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Fraude fiscale : cumul des sanctions fiscales et pénales : le bouchon est poussé loin !

Publié le : 26/11/2020 26 novembre nov. 11 2020

En matière fiscale,on le sait , les sanctions administratives et fiscales s’ajoutent aux condamnations pénales et les conséquences de ce cumul sont graves et sonne un hallali juridique impitoyable. Depuis des années l’illégalité de ce cumul était mis en lumière sans qu’aucune décision en sens inverse n’ait été obtenue. Intuitivement on sent bien que ce cumul ne semble pas justifier même si ,hélas, il est pratiqué depuis longtemps sans que la tendance ait été contredite.

Les choses semblent  devoir changer.

En effet, la chambre criminelle de la Cour de cassation par deux arrêts du 21 octobre 2020 donne l’impression de vouloir changer la donne , d’enrichir  son analyse de norme de droit international  et  d’infléchir sa position.

On ne peut que s’en félciter.

Cet enrichissement résulte de l’application  du principe dit « non bis in idem « posé dans plusieurs conventions internationales dont la France est signataire.

Ce principe interdit à un État de poursuivre ou de punir pénalement un individu qui aurait déjà été définitivement condamné (article 4 du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l’homme et 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Ce principe tombe sous le sens mais mérite d’être expliqué.

Pour être précis la Cour européenne des droits de l’homme n’interdit pas de cumuler des poursuites pénales et administratives. Elle dit seulement qu’il faut pour cela que les procédures engagées se combinent de manière à former un tout cohérent, c’est-à-dire soient complémentaires, présentent entre elles un lien temporel suffisant et soient organisées de manière proportionnée et prévisible pour le justiciable (CEDH 15 nov. 2016, A et B contre Norvège, req. nos 24130/11 et 29758/11).

La Cour de justice de l’Union européenne, en application des dispositions de l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne précise dans le même sens que nul ne peut être poursuivi pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif.  Elle considére que cet article ne s’oppose pas à une réglementation nationale prévoyant des poursuites pénales pour fraude à la TVA, en dépit de l’existence d’une sanction administrative définitive de nature pénale au sens de cet article 50 . Sous cet angle le cumul est possible sous la double réserve :
  • d’une part  de l’existence de règles claires et précises permettant au justiciable de prévoir les actes et omissions susceptibles d’être ainsi cumulativement sanctionnés,
  • ainsi d’autre part de l’existence de sanctions nécessaires et proportionnées.
On sent bien que le cumul de sanctions fiscales et sociales posé en France pose problème puisqu’aucune règle précise n’encadre ce cumul.

Ce malaise se retrouve dans deux décisions rendues par le Conseil Constitutionnels du 23 novembre 2018. Celui-ci a considéré que les sanctions fiscales et pénales étaient, par leurs finalités, complémentaires pour sanctionner la fraude fiscale, autorisant ainsi le cumul des poursuites et des sanctions.

Il a ainsi jugé que le cumul ne pouvait s’appliquer qu’au cas les plus graves appréciés au regard du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention.

A contrario le Conseil a posé le principe selon lequel, pour les fraudes moins graves, le cumul était désormais prohibé.

L’évolution est intéressante. Pour autant la question reste entière de savoir ce que l’on entend pas fraude la moins grave .

Le critère retenu est manifestement inopérant compte-tenu de son imprécision.

Cette imprécision constitue une insécurité juridique considérable en l’absence de définition légale de ce critère. Au surplus cela constitue une violation manifeste du principe de légalité des délits et des peines.

Dans ce contexte les deux arrêts précités du 21 octobre 2020 saisissent la Cour de justice de l’Union européenne du 28 mars 2018 de deux questions préjudicielles visant à déterminer si, en matière de manquements à la TVA, les règles de cumul respectent le principe « non bis in idem » prévu par l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

La question posée est la suivante :

« L’exigence de clarté et de prévisibilité des circonstances dans lesquelles les dissimulations déclaratives en matière de TVA due peuvent faire l’objet d’un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale est-elle remplie par des règles nationales telles que celles précédemment décrites ? »

« L’exigence de nécessité et de proportionnalité du cumul de telles sanctions est-elle remplie par des règles nationales telles que celles précédemment décrites ? »

L’examen de la réponse de la Cour de Justice est attendue avec impatience !

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